samedi 30 octobre 2010

Echec en coeur à Cilaos pour Florence et moi-même : petits bobos, panne "des sens" et mental défaillant

Mercredi 20 octobre 2010 – 15 h – Saint Denis - Stade de la Redoute

Retrait des dossards. Cette fois ci c'est pour de vrai, on y est.
Puce électronique au poignet avec un bracelet jaune fluo.
On espère garder ce bracelet jusqu’à la Redoute pour le dimanche matin….



Florence joue les groupies auprès de kilian Jornet et de Dawa Sherpa.

Elle rayonne, elle est heureuse et fiere de cotoyer ces grands champions.

On bouchonne dur pour le retrait des lots sponsors, mais on a déjà un pied dans la diagonale.

Retour au gîte, il va falloir s'occuper
sérieusement de nos sacs à dos
et des sacs d'assistancequi seront
à Cilaos et à deux bras.


Jeudi 21 octobre 2010 – 22 h – Saint Philippe – Cap méchant - Stade - Altitude 17 m
Après photos et vidéo du groupe par Hélène c’est le départ en minibus pour Saint Philippe grâce à la famille de Maryvonne, toujours prête à rendre service.
Embouteillage monstre pour approcher du stade, mais le timing prévu par Christian tient la route, tout comme la longue file de véhicule qui descend au pas vers le Cap Méchant.
Surprise pour Florence en déchargeant son sac, elle s’aperçoit que sa poche à eau à du fuir.
Rinçage à l’eau de son sac et sa casquette tout collant de sucre.
La pression monte, ça commence mal.
Bouchon devant la grille du stade où on nous laisse passer par groupe d’une vingtaine de coureurs pour fluidifier le pointage et le contrôle des sacs.
Mon sac me tire déjà sur les épaules, va falloir s'y faire.
Une personne se trouve mal et est prise en charge pour les bénévoles.
Enfin rentrés, nous retrouvons le reste du groupe déjà assis sur des chaises près du ravito avant départ. Nous attendons debout, j’ai hâte de bouger et d’aller vers le départ.

Nous allons sur le stade, pas d'herbe pour s'asseoir, en fait des cailloux et de la poussière, pas moyen de se poser.
Florence fait la queue pour les toilettes, les autres vont se positionner pour le départ, après les adieux de rigueur et un « à la redoute......  » lancé par Christian.
Nous allons à notre tour vers le départ et retrouvons par hasard le groupe sauf Christian, Daniel, Lulu et Alain partis se placer aux avants postes.
Musique, chants et discours nous font patienter.
3 coups de canon poussifs et c’est le départ tant attendu.
Énorme bousculade pour sortir du stade. Les acclamations du publique sont incroyables, des gens sont sur les toits, les flashs crépitent à tout va. Jamais connu un tel départ d'enfer. Ça y est cette fois-ci on est en plein dedans et on fait partie des quelques 2 700 folles et fous qui se lancent sourire aux lèvres à l'assaut de cette superbe île de la Réunion.
On avance tant bien que mal dans cette longue procession lumineuse qui s'étire devant et derrière nous avec toutes les lampes frontales, puis on arrive enfin à trottiner un peu.
Le manche du bâton de florence tombe, j’ai juste le temps d’y donner un petit coup de pied pour le mettre sur le côté et je le récupère avant que tout le monde ne m’écrase en le ramassant.
Toujours cette longue file de multiples lucioles sur la route parmi les acclamation de la foule. C’est impressionnant et galvanisant, mais nous maintenons un petit rythme à 6 / 7 km/h pour ne pas se griller sur la route.
Les premiers kilomètres passés, nous attaquons un route avec petite pente.
Le reste du groupe que nous avons récupéré ne court plus, nous nous joignons à eux. Il est de toutes les façons difficile de doubler. Nous aurions pu doubler plus haut mais le reste du groupe continue à marcher.
Nous arrivons au premier point d’eau, un immense Bazar, il y a des grosses bouteilles d’eau vide partout. On a l’impression que les bénévoles ont été complètement lessivés par les quelques 2100 coureurs passés avant nous.
Nous repartons rapidement et là commence le calvaire : gros bouchon. Ce n’est pas un simple ralentissement comme je l’imaginais mais du sur place, on se demande pourquoi ça n’avance pas, (est-ce les goélettes ?).
1 700m de déniv+ sur 8 km pas à pas.
On piaffe d'impatience, mais on ne double pas d’une part pour ne pas griller, d’autre part parce que ça nous ferait gagner au maximum qu’une centaine de places au prix de gros efforts et enfin ça me gêne, ça ne se fait pas par respect pour les autres concurrents coincés comme nous, un peu comme en voiture dans les bouchons. On est tous solidaires dans cette interminable ascension.
On avance un peu, on arrête, on repart, on arrête, ça gueule, ça chante ça rit, mais pour nous, je le sens mal, inutile de se mettre la pression, patientons.
Longue superbe guirlande de lampes frontales au dessous et  au dessus dans cette superbe nuit avec la pleine lune qui joue avec les nuages.
La végétation change, le vent se fait de plus en plus présent accentuant le froid, nous arrivons enfin vers le haut. Nous avons très froid et nous arrêtons pour nous couvrir. Jacky nous rejoint et se change aussi.
Superbe vue sur le volcan en irruption. Ça sent le soufre, la fumée au-dessus de la lave prend des couleurs rougeoyantes, on entend le volcan grondé. Superbe spectacle, mais il faut continuer et on a froid.
On rejoint le groupe au ravito hormis Pascal qui gère derrière à 10 minutes. Il n’y a pas grand chose à manger, on passe derrière les autres.
Je râle, j’ai faim et ne suis pas rassasié, je n"ai pas encore touché à ma petite bouteille de produit énergétique.
On fait le plein d’eau et on repart pour ne pas avoir froid.
Enfin on peut marcher à un bon rythme, on trottine de temps en temps, la fatigue est là, mais tout est ok, pas de mal au pied, le jour se lève dans la brume, on est en pleine forme.

Vendredi 22 octobre – 6 h 30 - Ravito du volcan - Altitude 2 320 m

Après 30,9 km et 2 590 m de déniv + depuis le départ en 8 h 30 !
Une moyenne de 3,64 km/h. on a une marge de simplement 1 h 15 sur la barrière horaire.
On a pris plus d'une heure de retard par rapport aux pires prévisions imaginées et le pire scénario imaginable commence : courir perpétuellement après les barrières horaires.
Le reste du groupe repart tandis que j’attends Florence en escale technique. Pascal est toujours sur nos traces constant et courageux, il préfère courir à son rythme.
Nous repartons en trottinant et les rattrapons après la plaine des sables pour remonter vers l’oratoire Sainte thérèse. Superbe spectacle des coureurs dans la plaine des sables malgré les nuages et la brume. Pas le temps de prendre des photos, Jacky mène la cadence, nous suivons. Florence va bien, elle est en forme, mais en redescendant, elle se tord une première fois sa cheville déjà fragilisée.
  
Vendredi 22 octobre – 8 h 12 – Piton Textor - Altitude 2 165 m

On a fait les 9,2 km 395 m déniv + à 5,41 km/h. C’est mieux, on regagne sur les barrières horaires. 1 h 30 de marge
Superbe surprise réconfortante de trouver les très sympathiques  Axel et Fatia qui nous attendent patiemment dans le froid.
Mais malgré leur présence revitalisante,  nouvelle déception pour le ravito. Vraiment décevant ces ravitos ! où sont les superbes ravitos vantés par Christian et Dominique ?
J’ai faim, je rêve de repas gargantuesque, mais faut y aller.
Nous faisons le plein et repartons vers chalet des pâtres sous un timide soleil qui nous réchauffe un peu.
Florence se retord la cheville à plusieurs reprises et nous fait un roulé boulé ponctué de cris. Heureusement c'est dans l’herbe, mais elle se blesse à la cuisse avec son bâton, par ailleurs, des ampoules au pied commencent à la faire souffrir.
Première fissure dans mon mental, j’ai peur pour elle et sa cheville qui était déjà en mauvais état avant de partir ne me dit rien vaille. Je l'aide à se rétablir, ne lui montre pas mon inquiétude et nous repartons. Elle sert courageusement les dents, elle boitille, la douleur à l’air de s’estomper.
Au loin on distingue mare à boue, par moment nous courotons.
Arrivés sur la route, je pars en trottinant, Florence me suit, les autres continuent à marcher.
Les sensations sont bonnes, super plaisir de courir doucement, pas de douleur au pied ! J’ai très faim !! Enfin je vais pouvoir me gaver !
Et ben non ! Tout faux !

Vendredi 22 octobre – 9 h 57 – Mare à boue - Altitude 1 594 m

10,30 km fait à 5,89 km/h. On a reperdu 15 minutes sur les barrières horaires. Je pense qu'on aurait pu courir un peu plus.
Arrivés à mare à boue, ça pleuviote, et en guise de super ravito, ce sont encore une soupe insipide dans un gobelet, une assiette avec quelques nouilles froides et un minuscule bout de poulet que nous mangeons sous la bruine avec les copains qui nous ont rejoints.
Je râle, vivement Cilaos pour que là je m’empiffre.
Je n’ai bu depuis le début que 2 ou 3 gorgées de produit énergétique. Je prends régulièrement de la sporténine, mais je sais que les barres que je mange plus les ravitos ne suffiront pas à me maintenir, cela ne m’inquiète pas outre mesure, c’est plutôt Florence qui me soucie, on va aux soins pour qu’elle se fasse soigner ses énormes ampoules aux pieds : 2eme faille dans le mentale. Elle aurait du se faire soigner sa cheville, mais n'y pense pas pressée par le temps.
Une fois les ampoules soignées, nous repartons, j ‘en ai profité pour examiner mes pieds et prévenir une ampoule qui commençait à se former au talon gauche.J'étire mon pied droit. Aucune douleur. Super.
Nous arrivons en courant vers le passage technique dans la forêt qui descend sur le col de bébourg.
Je presse Florence pour qu’on se dépêche un gros groupe bruyant arrive derrière nous, je ne veux pas qu’on bouchonne à nouveau.
Pas de chance, je sens quelque qui me goutte sur les fesses, j’ai peur d’avoir mal refermé ma poche à eau, défait mon sac regarde, et m’aperçois que c’est en fait le bouchon de ma petite bouteille qui s’est défait. Nous repartons, mais trop tard, le groupe vient juste de nous doubler.
La pluie a rendu ce passage encore plus technique, Florence a du mal dans certains passage mais elle ne bloque pas et descend à son rythme quand on ne bouchonne pas.
Arrivé en bas sur la route on se remet courir pour essayer de rattraper le retard. Encore du plaisir à courir.
Nous sommes sous pression. Les barrières horaires sont de plus en plus proches.
Nous courons car nous savons que bientôt la partie technique dans Bélouve va encore nous retarder.
Cette partie est au-dessus de ce que nous avions pu imaginer. Infernale dans les ravines glissantes et boueuses, nous montons redescendons sans fin de ravine en ravine.
Nous bouchonnons encore, le temps s’écoule, les kilomètres ne passent pas et d'ailleurs je n'ai m^me pas allumé ma montre garmin.
Enfin nous sortons de cet interminable et harassant passage où nous avons l’impression de tourner en rond et retrouvons le groupe qui repart du ravito qui lui est toujours aussi léger. Nous refaisons le plein, grignotons et repartons rapidement en courant à leur poursuite.
Je commence à manquer d’essence, mais me dit que je mangerai mieux à Helbourg
Encore une ravine et un sentier technique avant d’arriver enfin au gîte de bélouvre et de basculer vers Hell Bbourg.
Toujours la pluie fine. Nous descendons à un bon rythme, Florence ouvrant le chemin dans cette descente non technique, nous rattraperons en bas de la descente le groupe de copains.
Un coureur qui nous a doublé est couché sur le côté, se tenant la cheville entouré de ses copains.
  
Vendredi 22 octobre – 16 h 18 – Hell bourg - Altitude 970 m

21 km en 6 h 21 - 500 m déniv + et  1 100 m de déniv-
Arrivé au stade, nous retrouvons Daniel en instance de départ et Lulu qui nous dit qu’il jette l’éponge, ses adducteurs le font énormément souffrir. Nous sommes tristes pour lui et nous demandons comment il va rentré Il affiche sa gaieté coutumière, mais nous sentons bien qu'il est profondément affecté par cet abandon.
Le temps presse. On a encore perdu du temps : 21 km à 3,32 km/h
On est quasiment hors clou pour arriver à temps à Cilaos.
On est à 42 mn de la barrière horaire et il nous faut rallier Cilaos en moins de 3 h 45.
On nous annonce pas d’eau avant Cilaos, prudent, je charge à fond ma poche à eau.
Le ravito toujours aussi léger et sommaire, le service minimum d'une course 10 km. Je sens que cette fois ci je ne tiendrai pas. 24 heures Chrono sans manger correctement, ce n'est pas pour moi. J'aurai pu avaler mon peu de  produit énergétique dans ma petite bouteille, mais je n'y pense pas ou n'en ai pas la volonté. J'ai 2,5 kg d'eau sur le dos.
Nous attaquons le cap Anglais, cette fois-ci ça me tombe dessus, je commence à manquer de jus. On se fait doubler par plein de coureurs qui veulent arriver à temps à Cilaos. Prudent je gère, et me laisse doubler.
Très vite la pane d’essence arrive, je continue à avancer péniblement.
A la nuit, nous redoublons des coureurs un peu trop gourmands dans cette ascension. (en fait nous gagnerons 75 places ....)
Arrivé péniblement à Cap Anglais, après 5,6 km, altitude  2 157 m, le vent froid nous saisi, nous nous couvrons, je suis mort, je n’ai pas le courage de chercher à manger dans mon sac, je mange les pâtes de fruits offertes par Françoise mais ça ne suffit pas à recharger. Florence cherche dans son sac les pâtes de fruit magiques.
Très très grosse fissure dans le mentale, ce n’est plus une fissure c’est une faille, un gouffre dans lequel je sombre. La grosse défaillance est là et je n'arrive pas à la gérer, je n'y pense m^me pas. Je n’ai rien fait pour l’éviter alors que je la sentais venir, j’aurai du me forcer à boire du produit énergétique Je n’ai plus la gniac, Florence est inquiète pour moi et parle d’abandonner à Cilaos.
Je suis en train de lui bousiller sa diagonale, mais me laisse couler dans ma torpeur.
Je dis malgré tout à Florence qu’il est hors de question d’abandonner et qu’au pire elle continuera sans moi.
Je ne suis guère convaincant et abandonne ce discours petit à petit. Je ne dis plus rien, son réconfort et sa présence m’anesthésie, je n'ai plus une once de fierté qui me fasse réagir. Elle aurait du me botter le cul, mais n'en a sûrement pas la force elle m^me. Nous avançons péniblement arrêt après arrêt. Cette longue partie pour rejoindre le gîte est interminable, nous la connaissons, l'ayant faite en reco. Elle est jonchée de coureurs en bien pire état que moi pour certains. Ces images auraient dues me rebooster, mais non je communie avec eux, leurs souffrances sont miennes..
4 à 5 km au radar. Arrêt après arrêt, nous arrivons enfin au gîte où surprise, il y a de l’eau…alors qu'on nous avait annoncé qu'il n'y en aurait pas, et un petit ravito léger comme d'hab.
  
Vendredi 22 octobre – 23 h 28 – refuge Piton des neiges - altitude 2 484 m

30 minutes de retard sur la barrière horaire
Heureusement un délai supplémentaire d’une heure pour 300 coureurs a été donné au vu des difficultés. Mais dans ma tête le mentale est dans un gouffre sans fond.
5 h 10 pour faire 10,3 km, 1 517 m de déniv+ à un petit 2 km/h.
C’est la déroute totale pour moi mais surtout pour Florence que j’ai ralentie alors qu’elle aurait pu être dans les délais.
Nous ne nous attardons pas et repartons dans la foulée vers Cilaos, sans voir Didier sous perfusion sous une tente.
Encore 8 km pour arriver à Cilaos.
La descente va se faire au ralenti, mon genou droit me faisant extrême mal à chaque pas.
Il ne manquait plus que cela !!
Je retarde encore Florence, je lui dis de partir devant mais elle ne veut pas me laisser tout seul. Le boulet complet ! Un énorme pensée pour Dominique qui a souffert dans cette descente.
Nous arrivons à la route après 6,2 km de descente et 1 107 m de déniv- 3 heures interminables.
Trois kilomètres plus loin nous arrivons enfin au stade après un grand détour dans Cilaos la nuit.
Cilaos enfin, manger, dormir, se faire masser, ne plus avoir froid, l'oasis tant attendu.

Samedi 23 octobre 2010 – 0 h 25 – Cilaos - altitude 1 224 m 

Nous voyons Maryvonne, Annie, Catherine, Nathalie, Sylvie, Anne, Jean ….. avant de rentrer dans le stade. Les copines et copains sont cantonnés à l'extérieur.Ils attendent inquiets Didier.
Pointage à l'entrée et très grosse déception.
On se croirait dans un hall de gare vide, ou plutôt de stade.
Nous ne sommes pas pris en charge Des coureurs dorment un peu partout, à même le sol le long des tentes ou sur des lits de camps à l'intérieur des tentes et des bâtiments ouverts.
Nous apercevons Jacky au massage qui fait la queue. Nous nous sentons livrés à nous même à un moment où nous espérions le réconfort.
Nous allons manger pour essayer de nous réchauffer et pour me refaire une santé.
Encore tout faux, nous passons encore derrière 2 000 coureurs et somme en retard : Coquillettes tiédasses, sauce tomate froide, petit bout de poulet, j’en redemande, mais on me dit qu’il faut en garder pour les autres….
Quand on sait le goinfre que je suis, on peut imaginer mon abattement. Nous mangeons ce ravito «de survie» sur des tables en plein courant d’air, Florence claque des dents, elle a le dos brûlé par son sac, je n’ai pas le super repas tant attendu, c’est la descente aux enfer.
Jacky vient manger avec nous. Je lui annonce mon attention d’abandonner, plus d’essence plus mal au genou.
Il n’a pas l’air surpris, ne dit rien, mais je sens que ça l’embête pour Florence à qui je dis que c’est à elle de prendre sa décision.
Je ne peux ni lui dire de continuer avec la cheville enflée qu’elle a, ni lui dire d’arrêter. Elle décide d’arrêter. Pascal, le super guerrier arrive pour manger avec nous.
Il dit qu’il va se reposer et verra ensuite s’il arrête. En fait il finira courageusement avec les autres. Chapeau bas !

N’ayant toujours pas officialisé notre abandon, nous allons récupérer les sacs alignés sur le stade, un infime petit espoir tardif commence à renaître en moi, (peut être le réconfort du peu de nourriture avalé), nous allons pouvoir nous réchauffer et qui sait essayer de dormir avant de décider définitivement.
Je cherche Daniel parmi les dormeurs, mais ne le trouve pas. J’aperçois Gérard qui a l’air bien tout comme Jacky.
Nos sacs sont pleins de rosée, nous avons froid. Rideau !
Nous nous dirigeons vers le pointage et rendons nos puces !
Heureusement les copines se sont arrangées pour que l’on couche par terre dans leur gîte, sinon, inconscients que nous étions, nous aurions été obligés de rentrer à nouveau dans le stade pour attendre…. Cela aurait été le comble.
Un énorme merci aux copines

Abandon à Cilaos au bout de 26h 25m 45s de course : Rideau
89,9 km et 5 135 m de déniv+ à 3,4 km h de moyenne
Le flou l'a donc emporté sur le fou.
Pourtant sur le papier cette folie de diagonale dans ces paysages grandioses de la Réunion était jouable. Nous nous étions bien préparés physiquement.
Le déroulement de la course et notre (mon) incapacité à surmonter et gérer nos (mes) défaillances en ont décidés bien autrement de ce que nous avions plus ou moins imaginés dans les pires moments de ce périple.

Un abandon peut en cacher un autre :
C'est notre premier abandon sur un trail et cet échec nous a été très difficile à accepter et à assumer après coup, alors que nos copains étaient encore en course ou arrivaient pour les premiers (Christian et Alain  puis Gégé sur le semi).
Qu'est-ce qui nous a pris d'abandonner alors que nous avions prévu ce genre de coup de mou ?
Christian nous avait rappelé qu'il ne fallait surtout pas abandonner sur un coup de tête, mais de plutôt attendre et se reposer afin que la fatigue s’estompe et que le mental reprenne le dessus. Oui mais là en plus on avait froid, et j’avais la dalle. Pas de bol.

Mauvais mode d'emploi. Faudra qu'on revoit la notice car on n’a pas su prendre le recul pour :
  • Commencer par se changer pour se réchauffer, 
  • Surmonter mon coût de fringale dans la montée de Cap Anglais (avec un petit repas froid à Cilaos alors que je rêvais d’un ÉNORME repas depuis Mare à boue et Bélouve) 
  •  Se faire soigner et masser :
    •  ou simplement voir mon genou qui coinçait depuis le haut de la descente sur Cilaos, et strapper
    •  Faire soigner la cheville de Florence par un Kiné et strapper
    •  Les ampoules de Florence qui auraient pu être soignées à nouveau
    •  La brûlure provoquée par le sac à dos sur le dos de Florence, il suffisait que nous remettions de la bande,
  • Chercher une place pour essayer de dormir en se serrant l’un contre l’autre pour se réchauffer,(mais pas de câlin, ce n'était pas le moment)
  • Penser à toute cette longue préparation et à toute notre famille et les copains qui nous suivaient à distance, (après coup, je pense que les appels téléphoniques et les SMS sont hyper importants pour les coureurs et peuvent même être un sacré coup de pouce dans les moments difficiles),
  •  Et voir ensuite, après ces minutes de repos grappillées, comme l’a fait Pascal, si l’abandon n’était toujours que la seule issue. 
Rien ne dit que si nous avions trouvé les forces et le mental de faire tout cela, nous serions allés au bout, rien n’est plus certain, mais au moins nous n’aurions pas ensuite visualisé en boucle le film de cet abandon frustrant pour nous, pour Christian et les copains, mais aussi pour toutes celles et ceux qui avaient cru en nous et qui nous avaient témoigné de leur soutien.
  
Un ultra, c'est savoir gérer ses défaillances
Je pensai être capable de gérer l’ensemble de NOS défaillances, et en fait, mes défaillances ont pesées sur le mental de Florence et sont venues s’ajouter aux siennes, et à un moment dans le cap Anglais, alors qu’elle commençait à me dire que nous allions abandonner à Cilaos, alors que je lui assurai que non, il en était hors de question et qu’au pire elle continuerait sans moi, je n’ai plus eu la force mentale de continuer à la rassurer et à la booster. Elle me voyait telle une loque me traînant pas à pas, m’asseyant, repartant, n’osant pas me laisser finir seul malgré mes suppliques.
Le pire dans tout cela, c’est que malgré ma montée et ma descente calamiteuse, nous avons gagné 74 places !
Un élément de plus qui aurait pu nous re booster si nous l’avions su.
Je pensai quant à moi qu’on était les derniers, malgré le fait que nous doublions constamment les imprudents qui s’étaient lancés bille en tête dans l’ascension de ce cap anglais plutôt méchant : Nombre de coureurs arrêtés à quelques encablures du refuge du piton des neiges, sous leur couverture de survie à l’abri du vent contre des rochers sur le rebord du chemin constitué d’amoncellement de pierres et de rochers, certains même inconscients rebroussant chemin vers Hell bourg la couverture de survie en guise de jupette pour se protéger les jambes du froid, de vrais zombies que nous découvrions de ci de là dans le faisceau de nos lampes frontales.
Comme quoi, les appels téléphonique ou SMS sont toujours les bienvenus pour le réconfort d’un coureur en perdition.
  
Quels enseignements tirer de cette expérience malheureuse mais enrichissante ?
Tout d’abord, ne pas chercher d’excuses ou de prétextes extérieurs pour justifier cet échec, plus de la moitié des coureurs sont arrivés au bout de ce périple, dont les copains Christian, Alain, Jacky, Daniel, Gérard, Didier le rescapé, mais aussi l’indémontable et insubmersible Pascal.
C’est donc en nous et surtout en moi qu’il faut chercher les causes d’une telle déconvenue, tout en évitant l’écueil de l’auto flagellation :
  
1ere erreur : le poids du sac
 Tout d'abord comme à mon habitude, je pars avec un sac à dos qui fait 6 à 7 kg minimum, du n'importe quoi à la sauce François ! (merci à Alain pour le prêt de sons sac, le contenant était adapté, mais pas le contenu)
  •  les 2 l d'eau,
  •  + 50 cl dans une bouteille où j'ai mis du produit (mon essence, je ne peux plus ingurgiter les produits overstim ou decath) dont je ne boirai que 3 ou 4 gorgées et que je traînerai jusqu'à Cilaos pour rien sinon m'user,
  •  le ravito en barres, pain d'épice et 5 recharges poudre pour la bouteille,
  •  2 x 300 g de produit repas complet pour compenser la non-ingestion de produit
  •  1 paire de chaussettes, 2 maillots, une veste pluie coupe vent
  •  la lampe frontale + 1 deuxième pour Florence + des piles de rechange,
  •  l'appareil photos dont je ne me servirai pas
  •  les câbles et le support pour recharger le GPS au cas où.... sur le volcan je trouverais une prise.... (Je n'ai pas utilsé le garmin pour économiser la battetie, il ne m'a servi à rien et ça m'a manqué pour la vitesse, la fréquence cardiaque, les km et l'altitude tnat pour le mental que pour adapter le rythme de course)
  •  et 1 poche ravito clandestine trouvée au fond du sac, sensée être dans le sac à Cilaos,
  •  et le bâton tip top que nous avait confectionné l'ami Dominique
 Enfin bref, beaucoup, beaucoup trop de poids.
 Du lourd, quoi, du très lourd même, alors que tout le monde sait que l'ennemi du trailer c'est le poids….
  
2eme erreur : trop loin sur la ligne de départ
 Ne jouant pas les frimeurs, et ne voulant pas se trouver pousser aux fesses par des coureurs plus rapides que nous, nous ne nous étions pas assez avancés, ce qui fait qu'après la cohue du départ, nous n'avons remonté que très peu de coureurs, ne voulant pas aller trop vite et nous griller avant l'ascension du volcan. Christian nous avait conseillé de partir plus vite, il avait raison parce que la montée du volcan s’est révélée un calvaire pour nous, on s’arrêtait tous les 10 pas dans un embouteillage sans fin sur un sentier monotrace.
  
3eme erreur : ne pas s’être préparé à la gestion du froid et du sommeil
 Alors qu’il faisait bon au départ et que je transpirai en parfait baudet du Poitou qui traînait sur son dos sa surcharge inutile, le vent en haut du volcan nous glaçait et un cuissard long aurait été nécessaire.
 Il faisait très froid aussi, toujours avec ce vent glacial en montant au refuge du piton des neiges.
 Arrivé à Cilaos, le repas froid ne nous a pas réchauffé, Florence grelottait littéralement, comme lors de notre montée en haut du piton des neiges la semaine précédente, et ce n’est pas le repas froid pris en plein courant d’air et la récupération de nos sacs trempés par la rosée qui nous a réconfortée.
 On est des petites natures qui aimons sûrement trop notre confort, mais ressortant tout juste d’une bonne crise des sinus, à cet instant précis, sur ce stade, où tous mes sens n’émettaient que du négatif, je ne voulais pas attraper en plus la mort par une rechute. Mes sinus ne m'aviaent laissés tranquilles qu'un à 2 jours avant le départ
Il faudrait donc s’équiper en vêtements technique adéquat.
  
4eme erreur : Courir tous les 2
Pour moi ce fût vraiment un immense plaisir que de courir aux côtés de Florence et de partager toute cette première partie même dans les moments difficiles, mais ce fut sûrement une erreur de ne courir que tous les 2 puisque, nos sentiments protecteurs réciproque sl’emportaient t sur la GNIAC pour aller au bout.
Contrairement à ce que je pensai, nous ne pouvions pas l’un l’autre nous pousser au-delà de nos limites comme nous l’aurions fait entre copains, de peur d’être responsable de blessures supplémentaires pour l’être aimé.
Pour se mettre dans des états pareils, à certains moments, il ne faut pas s’aimer en tant qu’individu, comme certains disent. Mais en couple cet amour nous rend très réceptif à la souffrance de l’autre et devient un frein pour pousser l’être aimé à se surpasser.
Loin des yeux, loin du cœur. Florence aurait pu arriver une bonne demi-heure avant moi à Cilaos, j’aurai pu gagner du temps dans les descentes techniques ou les arrêts « techniques », mais ce n’est pas comme cela que nous avions décidé de parcourir ce périple. Erreur ou raison, nul ne sera le dire, car on ne refait jamais une course sur le papier.

Panne des sens, mais pas de panne de sentiments l’un vers l’autre
De la théorie à la pratique, il n'y a pas qu'un pas : tracer la route, oui ! mais jusqu'où ?
Le dire c'est bien , mais le "fer" c'est mieux......

Pour nous cette route s'est arrêtée à Cilaos.
Une grosse panne "des sens" qui a inhibée en nous toute velléité. Aucun recul et avis extérieur pour objectivement mesurer les conséquences de notre abandon.
Où était ce « dépassement de soit » qui nous fait habituellement avancer ?
Aucune pensée pour cette longue année d’entraînement, ces sacrifices consentis, cet engagement moral pris avec Christian, les copains, les amis et la famille.
Plus rien, zéro, un repli sur nous même et une envie primaire immédiate de se réchauffer, de dormir, de penser ses blessures et de manger enfin à sa fain (fin).
L’esprit n’était plus disponible, c’est le corps qui commandait.
Pourtant aussitôt, l'acte définitif de rendre notre puce, la paire de ciseaux qui coupe notre bracelet jaune !, les regrets m'ont submergés, la consience m'est revenue, mais c'était trop tard.
Nous avions pris le billet de sortie, sans possibilité de retour.
Facile de refaire le film après coup, mais sur le moment pas facile à gérer tout ça.
Penauds et honteux, nous savions qu'il faudrait dorénavant assumer cette décision : le courage nous a manqué, et c'est au fer rouge qu'il s'est marqué dans nos esprits aussitôt la porte du stade franchie.
Une expérience certes enrichissante, mais sur un tel projet  une expérience qui a un sacré goût d'échec face à un objectif de longue haleine non atteint.
Pour positiver, une chose est certaine, si mon amour propre en a pris un sacré coup, avec tsunami et répliques émotionnelles lors des arrivées des copains sur le stade, mon amour pour Florence dans le partage de ces difficultés n’en est ressortit que plus grand. Ce sont de grands moments que j'ai plaisir à me remémorer.
Nous avons partager quelque chose qui est hors du commun, et nous devons en sortir grandis.

Il me tarde de repartir à ses côtés sur de nouvelles aventures, en courant sur d’autres ultras, si les bobos me le permettent (genou inquiétant après le pied qui lui pourtant ne s'est pas manifesté (??)), ou en vélo sur de nouveaux périples si elle veut bien m’y accompagner.
Le partage et la solidarité était bien au rendez-vous, même si je culpabilise d'avoir été sur la fin un vrai boulet pour Florence, alors que je m'étais promis de tout faire pour l'aider à finir cette diagonale.....
J'ai pris soin d'elle et l'ai assistée jusqu'à Hell Bourg, mais après, la panne d'essence, le coup de fringale a balayé toutes ces bonne résolutions et je me voyais mal l'encourager à continuer après Cilaos avec sa cheville en compote, ses ampoules et son dos brûlé, pour qu'elle se fasse encore plus mal.

Le matin, après quelques heures de repos, voir le taibit au fond du cirque de Cilaos sous un soleil éclatant m'a rapidement piqué les yeux et nécessité le port des lunettes de soleil : les copains continuaient et nous, nous regardions cette superbe montagne, les baskets au pied, le sac en bandoulière, avec le sentiment qu'on aurait pu encore en découdre -  trop tard !
Il me tarde de repartir aux côtés de Florence sur de nouvelles aventures, en courant sur d’autres ultras, si les bobos me le permettent (genou inquiétant après le pied qui lui pourtant ne s'est pas manifesté (??)), ou en vélo sur de nouveaux périples si elle veut bien m’y accompagner.


Et pourquoi pas sur la diagonale des fous 2012 !

Christian sera V3 et briguera le podium, Bernard se joindra à nous avec d’autres copains qui ont salivés durant cette diagonale des fous 2010, et nous avons déjà des volontaires pour l’assistance. (avec nourriture à volonté !)
Chiche !
 Et pour Florence et moi-même, ce sera l’occasion de reprendre notre revanche contre nous même et de courir (ou plutôt) marcher ensemble dans MAFATE.
  
Ce sera aussi l’occasion d’essayer de conjuguer à 2 le dépassement de soit pour en faire un « dépassement de nous » salvateur et rédempteur.

A toutes celles et tous ceux qui ont connus un jour le goût amer de l'abandon.
  
Merci à Christian et Maryvonne pour ces superbes vacances sur l’île de la Réunion si chère à leur cœur qu’ils ont pris un grand plaisir à nous faire découvrir et partager.
Merci à toutes celles et ceux qui nous ont encouragés et soutenus.
Mille excuses aux copains et à Christian pour cet abandon.
Mille milliers d’excuses à Florence
Chapeau à Alain, Christian, Jacky, Daniel, Gérard, Didier et ce sacré costaud de Pascal

Et bravos aux organisateurs pour ce super ultra hyper trail et aux réunionnais toujours super gentils et accueillants pour qui la diagonale des fous est un événement d’intérêt général pour leur île.

Pour voir les vidéos sur Canal grand raid : ICI

et Une excellente vidéo "bilan de Serge Jaulin" ICI

Encore bravo à nos héros qui terminent cette édition 2010 de fous et une énorme pensée à Éric et à toutes celles et ceux qui auraient bien voulu y participer.










3 commentaires:

  1. Poignant ce récit.
    Mais pourquoi culpabiliser ? Vous avez été l'un et l'autre au bout du possible pour vous ce jour là.
    oui, sans doute le possible aurait pu être autre, plus doux, plus conforme à votre rêve.
    Seriez vous pour autant différents ? Au contraire on sent bien dans ce récit comment cette galère vous a rapproché.
    C'est le plus émouvant, cette vie de couple, ce respect de chacun, ce partage.
    Continuez ainsi, c'est le plus important.
    Et pour la prochaine fois, pourquoi pas avec vous, voyez que votre aventure ne me décourage pas, au contraire.
    Je reste impatient de vous féliciter de vive voix, et de repartir courir avec vous tous.
    Bravo, très sincérement.
    Xavier

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  2. Bonsoir Florence et François,
    Il est difficile de rendre son dossard, c’est un chose qui ne m’est arrivé que peu ; deux fois, la dernière en juin. Chaque fois c’est bien douloureux surtout comme tu le dis, François, dans l’instant juste après.
    Je crois que tu as déjà tiré un bon bilan de tous cela.
    Vous m’avez, en tous cas, bien fait rêver. Je suis persuadé que vous avez passé d’excellentes vacances et la course, la diagonale… vous la referez et la terminerez en évitant les écueils, j’en suis persuadé (j’y serai peut-être…).
    Je vous souhaite de réussir vos futurs défis (ne trainez pas pour vous lancer de nouveaux challenges et n’oubliez pas les petites laines et le stock de sandwichs pour François !).
    A très bientôt.
    Thierry (le Bérugeois)

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  3. bonjour Florence et François

    merci pour ce temoignage ... ouha ... j'ai vécu cette course de très loin mais avec ce recit c'était intense !!!! ...
    emouvant, quelle leçon de courage au contraire !!!
    et le plus important, leçon d'amour, de complicité, esprit d'équipe ... ouha ....
    pas très forte en redaction ... mais très émue par votre expérience ... merci de la partager ...

    à bientôt
    Valérie (nièce Pascal)

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